Genuflexion en public. #8 Par esclamoureux Renaud est Oblige de s'agnouiller sur le boulevard. Suite de "Une joute verbale", "Une �trange invitation au voyage", "Le voyage initiatique de Claude et Renaud", "Une declaration et trois humiliations", "une apres-derniere chance", "De nouvelles joutes", "Mille defaites savoureuses". Le score final etait donc des centaines a zero pour les joutes verbales et des milliers a zero pour les luttes physiques, ce qui, certes, marquait un certain desequilibre dans le rapport des forces, et les rapports de pouvoir. Claude confortait son pouvoir absolu qui etait a la base du cloren. Elle decidait, et si desaccord il y avait, Renaud n'avait d'autre choix que de se soumettre en gromelant "je suis ton esclave". Cela assurait une "gouvernance" ferme du cloren comme on dit dans le jargon moderne. Renaud repetait qu'il etait l'esclave de Claude, ce qui lui plaisait. En effet, non seulement il etait contraint d'obeir sans discussion, mais le pouvoir de Claude s'etendait a sa personne meme. Il lui appartenait corps et ame. Il lui appartenait parce qu'elle l'avait vaincu, tels les prisonniers de l'antiquite reduits en esclavage par de leur defaite. Claude n'aimait pas cette denomination car elle percevait ce que l'esclavage comporte de violence, de mechancete. Elle avait certes vaincu plus d'une fois Renaud, mais sa victoire avait abouti a une fete erotique joyeuse et tendre. Ou voyez-vous de l'esclavage ici ? Claude ne ressentait pas de mepris pour cet homme qu'elle dominait totalement. Dans la culture machiste, l'homme domine par une femme est meprise, y compris par celle-la meme qui le domine. Rien de semblable chez Claude. Peut-etre parce que sa mere l'avait eduquee dans l'esprit d'etre forte comme un homme, voire plus forte qu'un homme. Peut-etre parce que l'amour que lui vouait cet homme soumis desarmait chez elle tout sentiment hostile. Elle avait reporte sur Renaud une sorte d'amour maternel. Elle lui pardonnait sa faiblesse comme on pardonne a l'enfant et elle amait sa faiblesse comme on aime celle de l'enfant. Si le rapport des forces et du pouvoir etait tres desequilibres, celui de la passion amoureuse etait au contraire tres egal. L'adoration et l'admiration meme etaient reciproques. Le besoin irresistible de savourer sans cesse leurs tete a tete doux et bavards, joyeux ou nostalgiques, toujours intensement imbriques. Renaud developpait le ceremonial de la soummission et de l'adoration a genoux, levres sur les pieds ou les genoux. Claude acceptait cela sans deplaisir, mais surtout pour lui plaire. Claude gagnait d'habitude les joutes grace a son habilete dialectique qui detruisait pied a pied tous les arguements de Renaud jusqu'a l'acculer a la reddition. Parfois, toutefois, Renaud resistait. Alors Claude utilisait son arme de sujetion massive: elle menacait de partir, voir elle menacait d'une rupture de leur relation. Renaud entrait immediatement dans une grande panique. Au fond Claude ne souhaitait pas cette rupture plus que Renaud, mais a ce jeu de bluff elle etait aussi la plus forte. Renaud envisageait avec terreur de passer la soiree seul a pleurer la maitresse partie. Meme s'il doutait qu'une rupture definitive ait lieu il savait que la reconciliation se ferait au prix de son humiliation longue et douloureuse, au prix de longues prosternations et suppliques. Alors, tant qu'a faire, autant capituler immediatement et tenter d'obtenir son pardon. Il acceptait tout, declarait, avec plus ou moins de conviction, que Claude avait eu parfaitement raison dans leur debat. Il implorait. Un jour, au restaurant, surgit une discussion philosophique. Claude encense les gens libre, libres d'aimer. Renaud objecte qu'ils ne sont pas libres car le capitalisme interdit l'amour. La position de Renaud etait par trop caricaturale et sa defaite dialectique etait previsible. Mais, assez soudainement la polemique devia et se durcit. Claude cita les divorces et les couples recomposes comme examples de liberte. Renaud, echauffe par leur lutte, ne trouva d'autre parade que de salir ces couples divorces en soulignant l'echec de ces experiences. Claude repondit "et nous ?", car c'est bien de cela qu'il s'agissait maintenant et non plus de debat metaphysique. Renaud de plus en plus excite, ayant perdu tout controle de soi et tout esprit de soumission, repond "Si nous vivions ensemble nous reconstiturions la cellule conjugale". Cette phrase est aggressive, elle est violente. Dans l'ardeur du combat il a ete trop loin. Claude la ressent a juste titre comme une declaration de guerre, surtout que, le matin meme il avait cite Viallatte: "L'amour fait passer le temps et le temps fait passer l'amour". Citer cela avec complaisance equivaut a rejetter la perenite de l'amour, a attaquer de front leur relation. Pourquoi une telle aggressivite de la part de Renaud ? Un "sursaut d'orgueil ?". Quelque chose sommeillait au fond de lui qui rejettait ce qu'il appelait son esclavage (oubliant que c'etait lui qui s'etait offert comme "esclave"). Pour rejetter la domination de Claude devait-il relativiser leur amour ? Certes leur joute etait devenue violente, il ne voulait pas perdre, ne reflechissait plus et repondait du tac au tac en forcant enormement le trait. Mais en meme temps, si c'est cela qui est sorti, c'est qu'une agressivite reelle someillait. Au fond il se reprochait a lui-meme d'etre trop soumis a Claude, d'etre trop amoureux et, comme il arrive souvent, ce sentiment de honte l'amenait a essayer de faire du mal a sa Maitresse. De meme qu'un adolescent malheureux en veut a ses parents de ce qui ne va pas car il les prend pour les createurs du monde, de meme Renaud en voulait a Claude comme a sa toute puissante Deesse. En ce sens il renvoyait la relation maternelle qu'elle lui offrait. Claude entra dans une colere froide et fulgurante "Bon je vais rentrer chez moi et tu vas pouvoir retrouver cette femme que je deteste (la femme de Renaud). Renaud comprend immediatement le danger, il capitule et demande pardon. Le restaurant profite de leur dispute. Le garcon se moque de Renaud incapable d'enfiler le manteau de sa Maitresse. Hors du restaurant Claude demande "Pourquoi as-tu dit cela ?". Renaud, repete son argument. Cela convainc Claude que sa capitulation est de forme. Il est tourjours dans une humeur combattive et aggressive. Elle entre en fureur et part vers la Bastille pour executer sa menace. Ils sont boulevard Richard-Lenoir. Renaud essaie de la retenir de force mais Claude se degage facilement. Cette fois-ci il opte pour une soumission sincere et totale. Il la rejoint et pose un genou a terre. "Releve-toi" lui ordonne-t-elle sechement. Il se releve. Il essaie de l'embrasser, elle se degage a nouveau et poursuit sa marche. Il la rejoint et pose a nouveau un genou a terre, elle lui ordonne a nouveau de se lever et il obeit encore et essaie de l'entrainer vers l'hotel. Elle refuse et repart. Renaud s'agenouille pour la troisieme fois en plein boulevard a deux genoux cette fois. "Je ne me releverai que quand tu accepteras de venir a l'hotel". Il est passe d'une agressivite extreme a la plus demonstrative des humiliation. Cette scene ne provoque pas d'attroupement mais elle gene Claude. En meme temps le caractere insolite de la situation l'amuse. Elle comprend qu'elle a gagne, cet homme a genoux sur le boulevard a ses pieds l'aime malgre toutes ses rodomontades. La dispute a vire au jeu erotique. Elle sourit et cede. Ils vont a l'hotel. Il dut la supplier longtemps, baisers pieds et genoux, avant qu'elle n'accepte sa soumission. L'agressivite de Claude n'ayant pas disparu elle la libera sous forme de d'une erotique fureur dominatrice, le mordant, le gifflant, le fessant, le faisant hurler de douleur. Puis apres l'orgamse, soudain changement de role, elle se soumit a lui, le proclamant son maitre. Malgre cette seance torride il se sentait honteux le lendemain pour les propos tenus. Elle le convoqua, ou plutot le pria presque humblement dans un bistrot pour analyser l'origine de cette phrase qu'il avait dite. D'emblee il lui avoua qu'il avait demande pardon la veille pour eviter qu'elle ne parte mais que sa sincerite n'etait pas totale et qu'il s'offrait a analyser ce qui lui etait arrive avec elle. Il s'efforca de discuter calmement, sans faux-fuyant, mais sans allegeance forcee. Elle l'entreprit sur le capitalisme et l'amour et l'eut vite convaincu de l'absurdite schematique et stalinienne de ses propos. Il s'avoua vaincu sur ce point et souhaitait attaquer a son tour la these de Claude et aussi la question du caractere exceptionnel de leur amour. Mais ils n'eurent pas le temps. Claude garda un certain temps une rancune, ou plutot un malaise par rapport a Renaud. Elle denonca le visage "repasse", aplati, de Renaud a la sortie de ses activites professionnelles. Elle le trouvait trop "raisonable", prenant a temoin une de ses phrases "on ne peut tout de meme pas faire l'amour tous les jours". Elle prenait aussi ombrage de ses relations avec sa femme. Un jour celle-ci etait entree dans une veritable rage et avait commence d'etrangler Renaud, avant de reprendre ses esprits. Il avait les marques de ces ongles sur son cou. Claude lui reprocha de s'etre laisse battre par elle et de lui etre totalement soumis. Non sans paradoxe, elle comparait, dans le meme temps, le visage "public" de Renaud, "qui n'est pas celui de l'amant" aux visage baigne de larmes de son mari. Il lui arrivait ainsi souvent, tout en repetant que le vrai amour etait avec Renaud, de le comparer negativement avec son mari. Avec le temps ces blessures s'estomperent, surtout qu'un changement important dans leur relation allait bientot arriver. Il ne restait dans leur memoire que cette image percutante d'une homme agenouille a deux genoux sur le trottoir d'un boulevard parisien pour implorer la pitie de sa Maitresse. Cet homme la n'etait pas raisonable. Claude disait d'ailleurs que c'etait l'amour qui le rendait beau. Et ses coleres de panthere, pensait Renaud, le remettaient, quand necessaire, dans le droit chemin de l'amour et donc le rendaient beau. Un cercle vertueux.